marche 8 mars bruxelles
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Société

Avec les meufs qui ont récemment décidé de rejoindre un collectif féministe

À l’occasion de la marche du 8 mars, on a parlé à quelques femmes qui ont pris la décision de sauter le pas dans les derniers mois.
CL
Brussels, BE

De la Gare centrale à la place Poelaert, des milliers de personnes ont investi les rues de la capitale ce mercredi 8 mars, pour la journée de lutte pour les droits des femmes et des minorités de genre. La pluie n’a pas empêché les collectifs, les assos’ et les citoyen·nes de s’exprimer. Dans la joie et la rage, les voix se sont levées pour continuer à dénoncer le sexisme et l’inaction générale qui l’entoure. 

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Si certain·es ont pris pour habitude de manifester tous les 8 mars, d’autres ont fait le choix de s’engager tout au long de l’année, au travers d’actions concrètes. Chaque année, les collectifs féministes s’ouvrent à de nouvelles recrues qui pourront y trouver des membres qui partagent les mêmes valeurs, du soutien mais surtout de l’adrénaline et une volonté commune d’agir.

On a parlé à sept membres qui ont récemment décidé de franchir le pas, au sein de différents collectifs.

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Morgane* (27 ans) – Bim Boum (Collectif féministe intersectionnel en mixité choisie)

VICE : Bim Boum, c’est nouveau ? 
Morgane :
C’est vraiment tout récent. On a créé le collectif en début d’année, en janvier 2023, dans l’idée de faire une action pour le 8 mars. Et on compte continuer par après.

Pourquoi créer un collectif plutôt que d’en rejoindre un qui existe déjà ?
En fait, par chez nous, il n'y en avait qu’un, parce qu’on habite dans un milieu très très rural, dans la province du Luxembourg. Et il n'y en avait aucun dans le village dans lequel on voulait agir. Donc on a créé ce collectif pour montrer que c’est pas toujours dans les villes qu’il se passe des choses, et que le militantisme est partout, y compris dans les villages. 

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Et ça se traduit par quelles actions ?
On a fait une action dans l’espace public, dans un village de notre province, où on a bombé des phrases devant certaines institutions. Par exemple, on a abordé la contraception devant une pharmacie et le jugement par rapport à nos tenues devant le centre sportif. On a évoqué l’éducation genrée devant des écoles, on a aussi parlé d’écart salarial… On fait vraiment des revendications globales. 

« Je sens que je fais partie de celles qui veulent faire changer les choses. »

T’étais déjà engagée dans le féminisme avant ?
Ça fait quand même quelques années que je me considère comme féministe, mais je pense que je l’ai toujours été sans le nommer. Et puis j’ai fait un master en sciences de la famille et de la sexualité. On nous parlait beaucoup de genre, donc j’ai pu mettre des mots sur mes convictions et là, je pense que ça a été un déclic.

Comment Bim Boum impacte ton engagement personnel dans le féminisme ? 
Je trouve que mon engagement dans un collectif comme celui-là me permet de faire des actions qui vont davantage dans la revendication et dans la confrontation, dans le sens où c’est de la désobéissance civile – qui n’est pas très fofolle, mais ça reste de la désobéissance civile. Ça remplit peut-être un manque que j’avais au niveau personnel. Dans mon entourage, je vois qu’on ressent pas toujours les choses de la même façon : personne ne voit les inégalités que je vois. 

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C’est quoi le « plus » de la désobéissance civile sur ta façon de militer ?
Ça soude. On vit un moment ensemble avec un peu d’adrénaline, et ça crée une relation particulière de vivre des choses comme ça. Je me sens actrice, je sens que je fais partie de celles qui veulent faire changer les choses ; et je le fais de plein de façons différentes dans mon quotidien, y compris de cette façon-là.

Anonyme (âge non communiqué) – La Fronde (Collectif anti-patriarcal pour une révolution radicale)

VICE : Qu'est-ce qui a déclenché ton engagement ?
Anonyme :
J'ai rejoint La Fronde l'été dernier après avoir constaté qu'il y avait peu, voire pas d'alternative réellement révolutionnaire à Bruxelles. Je cherchais un collectif anti-patriarcal qui mettait les questions de classe au centre de sa lutte, et qui ne soit ni transphobe ni putophobe. Donc c'était un peu soit les queer soit les marxistes, mais c'était compliqué de trouver un collectif qui prenne en compte les deux aspects. La Fronde c'est la réunion des deux, et c'est ça qui m'a parlé direct. Appréhender les questions queer sous un prisme materialiste et sortir des seules questions de représentativité, c'est une façon de militer pour un changement structurel. Et c'est précisément ça que je cherchais. Ça fait tellement des plombes qu’on s’en prend plein la gueule en termes de mépris de classe et de violences sexistes que j'attendais juste de trouver des adelphes aussi véner’ et déter’ que moi pour me lancer. C'est chose faite. 

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T’avais des inquiétudes avant de rejoindre le collectif ?
Pas tellement non, parce que je connaissais déjà pas mal de membres du groupe. En plus, à ce moment-là, iels étaient en plein processus de réflexion sur les lignes politiques du collectif et les principes internes de fonctionnement, donc j'ai pu voir très concrètement les directions que ça allait prendre. En fait, si je devais identifier une inquiétude, ça serait plutôt le fait que la révolution ça reste un concept globalement abstrait pour nous tou·tes, et donc qui peut vite paraître inatteignable. Mais c'est aussi pour ça que quand on parle de révolution, on l'entend plutôt au sens de perspective révolutionnaire : on veut un changement radical, une refondation totale, c'est ça qu'on veut dire par « révolution ». Les réformes, c'est pas possible quand c'est la structure entière qui est pourrie.

Quelles actions vous avez récemment menées ?
Ces deux derniers mois, on a travaillé sur l'écriture de notre manifeste, qu'on espère assez quali’ et qui sort dans quelques jours ! On s'est donné·es à fond, on est fier·es du boulot et aussi rassuré·es de voir qu’on est raccord sur notre vision du monde. Ça nous a vraiment permis de mettre au clair nos idées, d'affiner nos convictions, de remettre des choses complexes en perspective... Un vrai exercice de pensée critique quoi ! Du coup, on est crevé·es et surex’ en même temps. Ce manifeste, c'était un projet qui nous tenait à cœur depuis un moment et ça nous semblait urgent de le mettre en place pour fédérer les luttes anti-patriarcales et anticapitalistes. Sinon, on va aussi participer à l'organisation du 1er Mai révolutionnaire avec d’autres collectifs. 

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Comment ton engagement dans cette cause impacte ta vision du monde, au quotidien ?
Ma vision du monde s'est affinée en tout cas. Ou du moins, j’ai le sentiment de mieux comprendre les rouages de ce qui nous opprime. C'est comme prendre conscience d'un truc qui était sous tes yeux depuis le début mais que t'avais pas les moyens de déchiffrer. Discuter de politique en mobilisant des outils théoriques et en réfléchissant aux limites de tes propres idées, essayer de comprendre pourquoi tu penses ce que tu penses, en le mettant en perspective avec tes conditions matérielles d'existence, c'est quand même hyper mobilisant intellectuellement mais aussi vraiment passionnant. Ça me stimule de discuter de tout ça, et ça me rassure de voir qu'il y a des gens qui partagent mes idées et mes espoirs.

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Margot (29 ans) – Les Volumineuses (Collectif de promotion des artistes sexisé·es)

VICE: T’as rejoint quand les Volumineuses ? 
Margot :
En mai 2022. J'aimais particulièrement le fait que la musique soit le levier utilisé pour illustrer les changements qu’on souhaite voir apparaître de manière sociétale.

Ça a été quoi ton déclic pour t’engager ?
J'ai toujours aimé participer à la vie en collectif. Je sentais qu'il était temps de le faire avec des valeurs plus ancrées, et une touche musicale ! Je m'étais jamais vraiment mise sous l'étiquette de « féministe » avant ça – je l'ai toujours été sans étiquette –, mais là j'avais envie de le revendiquer plus ouvertement. 

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« C'est ultra gratifiant de voir notre travail acharné prendre vie à travers nos micro festivals. »

Et l’objectif des Volumineuses c’est quoi ?
On organise des Volumes, c’est-à-dire des soirées avec des expos, concerts, dj sets… Notre objectif c’est de faire appel uniquement à des personnes sexisées sur scène mais également au sein de nos équipes techniques : on collabore avec des ingénieures du son, des femmes pour la sécu, etc. Nos mots d’ordres sont : éthique, safe et inclusivité. 

Ça se passe comment au quotidien ? 
C'est un travail constant pour faire vivre Les Volumineuses du mieux qu'on peut ! On est 20 nanas, toutes bénévoles et toutes animées par la même envie de changement. C'est un partage incroyable d'énergies. Le meilleur moment, c'est quand on est toutes ensemble le jour J, lors d'un de nos Volumes. C'est ultra gratifiant de voir notre travail acharné prendre vie à travers nos micro festivals. Le prochain est un juin, donc soyez prêt·es parce que ça va être le feu !

Léa* (31 ans) – ColleColleGirls (Collectif de collage)

VICE : T’as rejoint le collectif récemment ?
Léa :
Début janvier.

Ça te trottait dans la tête depuis un moment ?
J'ai beaucoup hésité. J'avais envie de le faire depuis longtemps mais j'avais peur, notamment de la police, si on me prenait en train de faire ça. Et je connaissais personne qui était dans un collectif de colleuses. 

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Je suppose que t’as rencontré quelqu’un alors ?
Oui, et elle m’a proposé de les rejoindre. Une fois que le collectif était assez formé, elles ont décidé de l'ouvrir. J’ai moi-même vécu des violences sexistes et sexuelles (VSS) et c’est un sujet qui me touche particulièrement. J’avais besoin d’extérioriser cette rage de la société hétéronormée, patriarcale, validiste, coloniale et capitaliste.

Vous faites quoi concrètement ?
On visibilise les VSS en collant des vécus de violences sexistes et sexuelles qui concernent certaines d’entre nous. Notre spécificité au niveau du collage, c’est d’afficher des histoires entières, avec des phrases d'accroche un peu plus grandes pour capter le regard. On utilise de la peinture jaune et rose, historiquement liées à la culture punk. On essaie aussi de trouver des solutions de résilience en fonction des besoins de chacune : création de podcasts, etc. 

Ça t’apporte quoi, pour le moment ?
Un sentiment de puissance très rapide. Ça délivre. Mais c’est une bouée par rapport a ce qu’on vit en tant que femme ou personne sexisée. C’est plus un soulagement qu’un changement de société.

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Talia* (13 ans) – ROSA (Campagne qui lutte contre toutes les formes de sexisme et milite pour l’implication des femmes dans les mouvements sociaux)

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VICE : Tu veux te battre pour quelles causes ? 
Talia :
Les droits de la femme, des personnes LGBTQIA+ et des personnes racisées. 

À quel moment tu t’es dit que tu voulais t’engager ? 
J’étais dans une manif et il y avait des personnes de ROSA qui m’ont proposé de rejoindre le collectif. Je sentais que je faisais jamais rien pour mes droits ; j’avais envie d’agir et faire quelque chose. 

Et ça fait combien de temps que t’es dans le collectif ? 
Ça fait seulement quelques mois. 

Zoé* (21 ans) – Collages Féministes Bruxelles (Collectif de collage)

VICE : T’as adhéré quand au collectif ? 
Zoé :
Y’a 3 semaines. J’ai fait ma première action dimanche dernier. 

Ça se passe comment pour rejoindre le collectif ? 
Par marrainages. Et y’a une première session avec toutes les nouvelles arrivantes, pour présenter le projet à tout le monde en même temps, et ne pas devoir former chaque personne une par une. Mais j’ai pas encore assisté à ça ; ma marraine m’a expliqué individuellement la charte, la politique du collectif, les règles.

« Ça me manquait de m’investir dans des actions à visée politique, dans la bonne ambiance en plus. »

Ça faisait longtemps que tu voulais t’impliquer dans des actions du genre ?
J’avais déjà voulu le faire quand j’étais à Lille pour mes études. J’avais rejoint un groupe mais le Covid est arrivé donc j’ai pas pu faire d’action. Après, je suis partie à l’étranger. Maintenant que je suis dans un lieu de façon stable, j’ai plus le temps et l’opportunité de le faire. 

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Et pourquoi c’était important pour toi de t’engager là-dedans ? 
Parce que ça me manquait de m’investir dans des actions à visée politique, dans la bonne ambiance en plus. J’ai pas mal fait partie de mouvements politiques pendant mes études mais y’avait toujours des hiérarchies et des mecs problématiques qui prenaient la parole pour nous, et ça me faisait trop chier. Là, je suis entourée de gens hyper bienveillants. 

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Alexia (23 ans) – Prenons la Une Junior 

VICE : C’est quoi, PLUJ ? 
Alexia :
C’est l’antenne Junior de Prenons la Une, une asso de journalistes qui lutte pour une meilleure représentation des femmes dans les médias et les rédacs. J’ai rejoint PLUJ en décembre dernier, mais j’en avais déjà entendu parler l’année passée lors du piquet de grève organisé à l’IHECS. 

Vous revendiquez quoi et vous faites quoi concrètement ?
Déjà, y’a la volonté d’avoir plus de mixité à l’IHECS, que ce soit au niveau des intervenant·es ou des profs. On demande aussi des formations, par exemple par rapport aux violences sexuelles, pour que les gens puissent être armés par rapport à ce qu’il peut se passer, comment ils peuvent agir. On a aussi demandé à ce que les cartes étudiant·es soient dégenrées. Cette année, PLUJ a aussi donné une conférence sur l’écriture inclusive. 

Tu trouves ça particulièrement important de t’engager, en tant que future journaliste ?
Je pense que c’est très important, ne serait-ce que dans mes travaux pour l’école : j’aborde toujours des sujets qui sont liés à mes valeurs personnelles, donc ça touche au féminisme, à l’écologie ou des choses plus sociales… C’est important de m’engager parce que si personne ne le fait, les choses ne changeront pas. C’est comme la marche du 8 mars : si personne ne marche, on ne sera pas visibilisées. 

T’avais des appréhensions avant de rejoindre le collectif ? 
Pas du tout. J’ai toujours été quelqu’un d’assez engagée, même si je faisais pas partie d’un collectif féministe. J’avais pas peur de la réaction des profs ou des autres étudiant·es, parce que j’ai pas peur d’affirmer ce que je pense. Au contraire, si les gens sont au courant que je fais partie de PLUJ, j’en suis fière ! 

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